Je ne m’en cache pas, je n’étais pas très optimiste quant à l’issue des tractations qui se sont déroulées à Genève au début du mois dans le cadre des négociations internationales sur la pollution plastique (INC-5.2). Et même, s’il y avait eu un accord en apparence, ça n’aurait pas suffi à me convaincre que nous aurions eu un début d’amorce de solution aux impacts sur l’environnement et la santé humaine causés par la pollution plastique.
Je ne dis pas qu’il ne faut rien faire, au contraire. Il faut entrer dans l’action et mettre un peu de côté ces grands sommets dont il ne ressort malheureusement trop souvent pas grand-chose de concret. Le plastique nous empoisonne, il nous tue littéralement. Certains avancent même que la pollution plastique est un problème encore plus grave et urgent que les émissions de CO2 dans notre atmosphère.
Personnellement, je ne sais pas ce qui est le plus grave entre la pollution plastique, la perte de notre biodiversité ou les changements climatiques… Il ne faut pas segmenter ces problèmes, qui ont en fait la même cause. Ces manifestations que nous constatons sur notre environnement et sur notre santé ne sont en fait que les symptômes de nos modes de vie et, par conséquent, de notre consommation effrénée de ressources.
Selon un récent rapport, notre consommation des ressources serait responsable de près de 70 % des émissions de GES à l’échelle mondiale. Ce chiffre ne tient toutefois pas compte des impacts de notre consommation sur la qualité et la disponibilité de l’eau sur notre planète, de la perte de la biodiversité, de l’appauvrissement de nos sols, etc.
Et le plastique dans tout ça ? Et bien, le plastique est partout, même là où l’on ne s’attendait pas à en trouver. Regardez autour de vous, tout est plastique. Vêtements, meubles, revêtements, appareils ménagers, composantes automobiles, emballages, cônes orange, même la gomme à mâcher, c’est du plastique ! Le plastique a véritablement commencé à faire partie de nos sociétés après la Seconde Guerre mondiale. Il a plusieurs qualités indéniables : il est versatile, il est léger, ne coûte pas cher à produire, il peut remplacer avantageusement de nombreux matériaux plus rares ou moins malléables et, surtout, il est durable. Le plastique a toutefois aussi les défauts de ses qualités : il est versatile, il est léger, ne coûte pas cher à produire, il peut remplacer avantageusement de nombreux matériaux plus rares ou moins malléables et, surtout, il est durable. Il a aussi et surtout le défaut (c’est un euphémisme) de porter préjudice à la vie sur terre.
Le plastique ne se retrouve pas seulement dans la majorité des biens qui sont présents dans notre quotidien, il a également envahi nos corps. On le retrouve, sous forme de microparticules, dans nos organes, notre cerveau, nos tissus adipeux, nos cellules… Et il interagit avec leur développement et leur fonctionnement.
Même si vous vous sauvez au sommet de l’Everest pour y échapper, il est là. Et c’est encore pire pour nos fonds marins.
En fait, le plastique a tellement pris de place dans nos vies que nous ne pourrions imaginer vivre sans. Nous sommes accros au plastique. Le plastique nous permet de maintenir notre mode de vie. Sa consommation sous toutes ses formes est donc essentielle à notre économie, à notre création de « richesse ».
D’où mon premier bémol avec des rencontres comme celle sur la pollution plastique : comment mettre en application un plan visant la réduction du plastique à l’échelle mondiale quand on sait qu’il est un des principaux moteurs de nos économies ?
Et même si nous en réduisions les quantités de plastique produit, on le remplacerait par quoi ? Nous avons rapidement perdu nos savoir-faire pour la production de biens de consommation qui n’inclurait pas de plastique (ou moins). Essayez de vivre normalement toute une journée sans toucher à du plastique : impossible !
Aussi, nous ne produisons que très peu de biens finis en Occident, toute la production ou presque est délocalisée en Asie. Pas facile de demander à ces pays de cesser de produire et de mettre des milliers de travailleurs à pied.
Ce n’est pas non plus évident de demander aux gros producteurs de pétrole (ceux qui s’opposaient systématiquement à une entente prônant une baisse de la production de plastique) de couper leur production de millions de barils par jour. On est loin de « Drill, Baby, drill », n’est-ce pas ?
Le recyclage, la solution ? Non, pas vraiment. Comme l’a notamment mentionné Myra Hird, professeur à l’université Queen’s, lors de la commission Zayed sur L’état des lieux et la gestion des résidus ultimes, « certains procédés de recyclage sont polluants et, malgré les produits qu’ils génèrent, ne permettent pas forcément de réduire l’extraction de matières premières en raison de l’augmentation de la demande ». Personnellement, quand je vois du mobilier urbain fait de plastique recyclé comme un banc de parc, je ne peux m’empêcher de penser à la dissémination de particules de plastique dans l’environnement dont il sera responsable au fil des ans. Avons-nous vraiment une solution à un problème ici ? Mais, ça, c’est moi…
Nous devons cependant absolument trouver des solutions pour réduire notre production et notre consommation de plastique. Je ne crois pas que d’attendre une solution qui arrive d’en haut soit la chose à faire. Il ne faut pas la mettre de côté, mais je pense que nous pouvons être plus efficaces si, collectivement, nous faisons le choix de consommer moins de plastique. Un peu comme nous le faisons avec les produits venant des États-Unis, notre refus collectif commence à avoir un impact certain.
Pour le plastique, il nous faut une stratégie. Malheureusement, le Québec a mis la sienne de côté. Certaines municipalités n’ont toutefois pas attendu avant d’agir pour interdire certains objets à usage unique en plastique, pensons notamment à Prévost, à Montréal ou encore à Terrebonne. Et ça marche ! Pensez aussi aux sacs d’emplettes à usage unique, ils ont presque disparu du territoire québécois. Les solutions existent, il faut simplement reconnaître le problème, de la volonté, des coups de pouce réglementaires et s’assurer d’une période de transition harmonieuse.
Oui, changer nos habitudes de consommation fait partie de la solution, mais encore faut-il qu’il y ait des alternatives qui nous soient proposées. On ne peut non plus mettre toute la responsabilité de cette révolution plastique sur le citoyen. Il faut y inclure les industries, les commerces, bref, il s’agit d’une responsabilité partagée et collective. Il nous faut aussi un ou des chefs d’orchestre. Vaste, très vaste programme.
Trop vaste ?
Tous les indicateurs nous montrent que la production de plastique explosera au cours des deux prochaines décennies. Rien ne montre non plus que la tendance s’inversera, au contraire.
Comme pour les changements climatiques, tant que nous n’en subirons pas des impacts significatifs et directs sur nos personnes ou notre portefeuille, nous continuerons à dire qu’ils sont un fléau tout en ne faisant rien, ou trop peu.
Mais nous avons encore toutefois le temps de changer les choses, pour l’instant.
Éditorial paru dans l’infolettre de août 2025
