La gestion des plastiques postconsommation me préoccupe ces derniers temps, notamment avec la modernisation de la collecte sélective. Aussi, afin de me remettre un peu à jour dans ce qui se passe ou dans ce qui est prévu dans ce domaine, j’ai eu le goût de ressasser certains documents dont la très intéressante Stratégie de réduction et de gestion responsable des plastiques au Québec 2024-2029. Mais, ô stupeur ! La Stratégie a disparu du site du ministère de l’Environnement ! Erreur 404 Page introuvable : on a ghosté le document !
Avant toute chose, sachez que pour ceux et celles qui liront ce texte jusqu’à la fin, un lien vers cette Stratégie sera présent afin que vous puissiez en prendre connaissance, si ce n’est pas déjà fait. Ce qu’on ne ferait pas pour vous.
D’entrée de jeu, j’ai mentionné que cette Stratégie était très intéressante. C’est un fait. Elle abordait la problématique de différents angles et proposait des actions tant en amont, qu’en aval. Il s’agissait d’un document qui cernait très bien le problème et qui mettait de l’avant des pistes de solutions assez audacieuses. Même notre ministre de l’Environnement ne tarissait pas d’éloges à son sujet. À deux semaines d’une consultation ciblée sur cette dernière, M. Charette avait même déclaré à son sujet par voie de communiqué en novembre 2023, que « ce projet de stratégie est un engagement phare de notre gouvernement. Il permettra de mieux protéger l’environnement pour notre bien et celui des générations futures. Nous le savons, la pollution par le plastique, notamment celle de l’eau, est un fléau à l’échelle planétaire (…) ».
Et il avait raison. Le Québec était sur le point de se doter d’une feuille de route pour encadrer la production et la gestion du plastique. Cette Stratégie ne pouvait tombait plus à point à l’aube de la petite révolution dans le monde de la récupération qui se pointait à l’horizon.
Il y était question de réduction à la source, de bannissement de certains types de plastique de réemploi ou encore d’écoconception. Toutes des avenues qui, accompagnées de cadres réglementaires et de mesures d’écofiscalité, seraient plus que nécessaires aujourd’hui dans le cadre de la modernisation de la collecte sélective, notamment. Car, ne l’oublions pas, même avec la meilleure volonté du monde, Éco Entreprises Québec ne dispose pas de tous les outils pour faire en sorte que ses membres modifient ou réduisent leurs emballages.
Cette Stratégie s’inscrivait également dans le prolongement du Plan d’action de la Politique québécoise de gestion des matières résiduelles 2019-2024 qui prévoyait élaborer et mettre en œuvre une stratégie gouvernementale visant à réduire l’utilisation des plastiques et des produits à usage unique. Idem avec le Plan d’action de développement durable 2023-2028 de RECYC-QUÉBEC ou avec son Plan stratégique 2022-2025 qui prévoyait mettre le cap sur la réduction des plastiques et des produits à usage unique.
Bref, la Stratégie devait arrimer entre elles les différentes actions déjà prévues dans les officines gouvernementales.
Souvenez-vous : fin 2023, nous étions en plein dans les rondes de négociations à Nairobi pour tenter d’en arriver à l’adoption d’un traité pour mettre fin à la pollution plastique. Quelques mois plus tard, ces négociations allaient se poursuivre à Ottawa. La pollution par le plastique était alors au sommet des préoccupations environnementales du moment. Le timing était parfait.
Déjà, tout était pensé pour que le Québec soit véritablement un leader dans la lutte contre la pollution par le plastique. On envisageait même de modifier le Règlement sur les redevances exigibles pour l’élimination de matières résiduelles afin de faire payer la redevance complète pour l’utilisation des résidus de carcasses automobiles non métalliques (fluff) à des fins de recouvrement dans les LET. L’idée d’exiger un pourcentage minimal de contenu recyclé était aussi dans les cartons comme celle de développer la circularité des plastiques pris en charge par les entreprises québécoises.
Alors, que s’est-il passé pour que la Stratégie de réduction et de gestion responsable des plastiques au Québec disparaisse ? Est-ce que cela découlerait de la volonté actuelle du gouvernement de mettre de côté des mesures environnementales trop contraignantes afin que le Québec demeure « compétitif » en ne mettant pas de « pression supplémentaire » sur les entreprises comme je l’abordais dans le cadre de mon dernier éditorial ?
Si c’est effectivement le cas, ce serait navrant. Jamais n’a-t-on eu plus besoin d’une stratégie concertée pour réduire la pollution plastique que maintenant. Une stratégie qui aborderait ce problème à sa base, par la prévention. Une stratégie qui ferait d’un problème une solution en développant notre économie circulaire ou encore qui s’attaquerait aux microplastiques ou à certains plastiques dégradables.
Est-ce que le Québec est rentré dans le rang suite à la victoire de l’industrie pétrolière à Busan ? L’impact des mesures tarifaires serait-il en cause ? Quoi qu’il en soit, personne ne sortira gagnant de cette histoire si on continue de faire comme si la Stratégie n’avait jamais existé. Ni vous, ni moi, ni le Québec.
Peut-être aussi qu’un gestionnaire de contenu du site internet du ministère de l’Environnement a tout simplement fait disparaître la Stratégie par mégarde. Si c’est le cas, voici le lien pour la retrouver.
Éditorial paru dans l’infolettre de mai 2025