Songe d’une journée d’été

Il y a quelques jours à peine, le gouvernement Legault rejetait le projet d’usine de liquéfaction de gaz naturel et de terminal maritime que la société GNL Québec souhaitait construire au Saguenay. Pour justifier sa décision, le ministre Benoit Charette s’est appuyé sur le fait que les trois conditions requises pour la réalisation du projet n’avaient pas été remplies. Il s’agissait de l’acceptabilité sociale du projet, de son intégration vers la transition énergétique et sa capacité à générer une baisse des émissions de gaz à effet de serre (GES) à l’échelle mondiale.

La décision du gouvernement a somme toute été bien accueillie dans la province. On ose à peine penser aux réactions et aux conséquences si elle avait été différente. Or, seulement deux semaines avant la décision sur le projet de GNL Québec, ce même gouvernement a utilisé un outil légal extraordinaire pour permettre l’agrandissement du lieu d’enfouissement technique (LET) de Waste Management à Drummondville. Comme nous sommes en été et qu’il est davantage approprié d’aborder des sujets avec légèreté, faisons l’exercice d’appliquer au LET de Drummondville les trois conditions qui ont mené au refus du projet GNL Québec, juste pour voir, comme ça.

Acceptabilité sociale

Le dossier du LET de Drummondville est très complexe et remonte à plusieurs décennies. Pour preuve, le principe de régionalisation du FCQGED a notamment été développé en collaboration avec un groupe de la région au début des années 1990, Action Environnement Drummond. Pour le présent exercice, il faut savoir que la dernière consultation publique sur ce LET remonte à une dizaine d’années. Le BAPE a publié son rapport sur ce projet en septembre 2012. Un décret a ensuite été publié en juin 2013 avec une autorisation pour 5 années, extensible à 7, si les capacités autorisées n’étaient pas atteintes.

Ce qui est intéressant avec ce décret est que, même si des limitations sont exprimées, il y est mentionné dans son préambule qu’il puisse être agrandi sans autres considérations ou presque, suite à une simple demande de son promoteur, Waste Management. C’est exactement ce qui a été fait avec l’adoption du décret 993-2020 en septembre 2020. Le gouvernement autorisait la poursuite des activités d’enfouissement pour une période supplémentaire de 10 ans.

Notons au passage que dans son rapport d’analyse environnementale accompagnant ce décret, le ministère de l’Environnement recommandait un agrandissement d’une durée limitée à 5 années, notamment parce que la compagnie n’avait pas réussi à démontrer que son projet obtenait l’adhésion des communautés locale et régionale.

Au surplus, au moment même de cette annonce, la Ville de Drummondville était devant la Cour supérieure contre Waste Management qui contestait sa réglementation en matière d’urbanisme qui empêche l’agrandissement de son site. Le juge Immer a finalement donné raison à Drummondville en février dernier. D’où l’intention du gouvernement d’avoir recours à l’imposition d’une zone d’intervention spéciale (ZIS) qui contournerait la décision de la Cour supérieure et la volonté de la Ville de Drummondville.

Et ça, c’est sans parler du référendum découlant de l’article 45 du décret 626-2004 sur la fusion entre Drummondville et Saint-Nicéphore et qui a été gagné par la population en 2013. C’est sans parler, non plus, de la confirmation de la Cour d’appel du Québec sur la validité de cet article 45 l’an dernier.

Bref, on peut dire sans se tromper que la condition concernant l’acceptabilité sociale n’a vraiment pas été remplie. Au Saguenay on parle de division en ce qui a trait au projet GNL Québec. À Drummondville, on peut parler d’une quasi-unanimité contre le projet d’agrandissement du LET de Waste Management.

Intégration vers la transition énergétique

En ce qui concerne la transition énergétique, un lieu d’enfouissement n’est pas une infrastructure qui y est dédiée. Certes, les promoteurs préfèrent présenter leurs projets comme des complexes énergétiques, car ils produisent de l’énergie avec les biogaz générés, mais c’est surtout et davantage une approche marketing. Cette énergie est produite par la putréfaction des matières organiques qui y sont enfouies.

La Stratégie de valorisation de la matière organique du gouvernement du Québec vise notamment à détourner cette matière des lieux d’élimination et, éventuellement, tendre vers son bannissement des sites d’enfouissement.

Nous sommes loin de favoriser une quelconque forme de valorisation de la matière organique en l’enfouissant, au contraire. La matière organique devrait retourner dans les sols pour être considérée comme étant valorisée. Qui plus est, cette pratique d’élimination est directement en compétition avec de véritables formes de valorisation pour cette matière, dont la biométhanisation.

En fait, si transition il devrait y avoir, ça devrait en être une vers une diminution progressive de la production de biogaz issus des LET. C’est en fait tout le contraire qui se produit avec l’enfouissement massif et pêle-mêle. Certains disent même que la production de méthane à partir de lieux d’enfouissement est un constat d’échec en gestion écologique des déchets. On ne peut donc pas prétendre que l’agrandissement du LET de Drummondville réponde à la condition qui voudrait qu’il s’intègre dans quelque transition énergétique que ce soit.

Gaz à effet de serre mondiaux

Pour ce qui est de la troisième condition, à savoir sa capacité à générer une baisse des GES, encore là, permettez-nous d’en douter.

Le LET de Drummondville dessert majoritairement une clientèle qui n’est pas dans la MRC de Drummond. Le rapport du BAPE de 2013 (le dernier en date, faut-il le rappeler) mentionne que « (Waste Management) continuerait à répondre aux besoins de sa clientèle sur les territoires de la Communauté métropolitaine de Montréal, de la Montérégie, du Centre-du-Québec et de l’Estrie ». On s’entend que les matières résiduelles sont transportées sur de longues distances, par camion. Rien encore pour générer une baisse de GES.

En ayant une poignée de LET au Québec qui accueillent environ 80 % des déchets destinés à l’enfouissement dans la province, on comprend que nos poubelles sont de grandes voyageuses par routes. Une gestion plus régionale de nos matières résiduelles contribuerait aussi à réduire l’impact de leur transport vers les lieux d’élimination.

Un autre point d’importance à souligner est le fait qu’un LET qualifié de « mégasite » est une infrastructure dont la seule et unique raison d’être est l’élimination des matières résiduelles à des fins commerciales. Tout y est fait pour que le maximum de déchets y soit enfoui. Il y a aussi le recours aux déchets utilisés comme matériaux de recouvrement qui est plus souvent qu’autrement de l’enfouissement déguisé.

Ces façons de faire (enfouissement massif à moindres coûts) encouragent, au pire, la surproduction de déchets et donc la surconsommation. Au mieux, elles ne la découragent pas. L’urgence climatique découle directement de nos modes de vie, de nos déplacements, de l’étalement urbain et tout ce que cela implique, notamment une hausse effarée de la consommation. Le mégaenfouissement fait partie de l’équation.

Conclusion : l’agrandissement du LET de Drummondville ne répond pas non plus à la troisième condition qui est de générer une baisse des GES.

Alors, pourquoi l’avoir autorisé ? Parce qu’il y avait urgence d’agir dit le gouvernement. Il y avait un risque potentiel de porter atteinte à la salubrité et à la santé publique en limitant l’offre de l’élimination dans la province. Parce que la maison était en feu.

La maison était en feu, oui, mais le feu couvait depuis des années et rien n’a vraiment été fait pour le contrôler.

Bonnes vacances !

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