Pour en finir avec la marchandisation des déchets

Récemment, deux situations distinctes m’ont fait repenser à des dossiers qui ont eu cours il y a une vingtaine d’années et qui ont façonné le paysage de la gestion des déchets au Québec et son évolution (si on peut dire ça comme ça…).

C’était suite à l’adoption de modifications majeures à la section de la LQE sur la gestion des matières résiduelles aux articles 53 et suivant, comme on dit souvent entre intimes, que tout avait commencé.

La LQE introduisait la notion de régionalisation. Non pas la régionalisation de l’élimination comme notre organisme en fait la promotion depuis ses débuts, mais plutôt ce qu’il est convenu d’appeler, plus correctement, la planification régionale.

La Loi disait à peu près ça : « C’est à l’échelle d’une municipalité régionale que se prennent les décisions ». La Loi déléguait aussi aux municipalités régionales le choix des moyens et de leur mise en œuvre. On ne peut être contre ce principe surtout si on donne aux MRC les outils et les moyens financiers pour ce faire. Aussi, faut-il le rappeler, que ce sont elles qui sont le mieux placées pour déterminer les besoins dans le domaine de la gestion des matières résiduelles sur leur territoire.

Là où il y a eu une grosse dérive, là où certaines décisions de MRC ont eu des impacts non seulement chez elles, mais également sur l’ensemble du Québec, c’est dans l’application – ou la non-application – du fameux droit de regard sur les matières résiduelles pouvant être éliminées sur leur territoire de planification.

Une dérive, oui, car dans certains cas, le droit de regard était ajusté en fonction des besoins des multinationales de l’enfouissement présentes sur leur territoire. Ces largesses dans l’application des droits de regard étaient systématiquement assorties de compensations monétaires, de redevances annuelles ou à la tonne, octroyées à la municipalité hôte ou à la MRC, ou aux deux à la fois.

Pour ceux qui seraient tentés de nous accuser de parler à tort ou à travers ou de je ne sais quoi, nous avons déjà publié une liste du contenu des principales ententes dans un mémoire que nous avons déposé au BAPE en 2012.

Ces ententes ont encore un énorme impact sur l’ensemble de la gestion des déchets au Québec car elles ont instauré et pérennisé un système profondément clivé entre, d’un côté, les actions mises de l’avant afin de réduire les déchets à l’élimination et de l’autre, la très (trop) grande accessibilité à l’enfouissement. C’est tellement encore vrai de nos jours, que le gouvernement tente de réajuster l’équilibre en rehaussant les redevances à l’élimination.

Je pense fermement que pour réduire véritablement les déchets à l’élimination, mais aussi à la source, leur disposition doit se faire sur une base régionale, en autant que possible. La régionalisation responsabilise les générateurs et rendent concrètes les actions de mise en valeur des résidus sur un territoire donné. Ce qui n’est pas nécessairement le cas dans pour un site d’enfouissement avec une énorme capacité autorisée qui ne va qu’élargir sa zone de desserte si des efforts de réduction sont faits par une de ses municipalités clientes.

Client, le mot est dit. Il ne faut plus que l’élimination ne se résume qu’à une simple opération commerciale. Un gestionnaire de lieu d’élimination privé doit trop souvent répondre en premier lieu aux attentes de ses actionnaires, non aux besoins de la MRC où il est situé.

Ça ne veut pas dire non plus la nationalisation des LET, pas du tout. Il faut simplement reconnaître que les lieux d’élimination sont un maillon à part entière d’une gestion intégrée des matières résiduelles. Ils ne devraient pas être uniquement des acteurs externes qui obéissent à une logique d’affaires qui compromet depuis trop longtemps nos efforts pour faire en sorte que le Québec devienne véritablement une société sans gaspillage.

Ah oui, à quelles situations est-ce que je faisais référence au début de ce texte ? Bien, à celle de la révision du PGMR de la MRC de Joliette qui prévoyait une limitation des déchets enfouis sur son territoire répondant essentiellement aux besoins régionaux. Il est fort probable que les pressions exercées par la compagnie qui possède et exploite un des plus gros LET de la province sur son territoire fassent reculer les élus…

L’autre cas est celui du LET de Champlain appartenant à la régie de la Mauricie et dont l’agrandissement répond davantage à un besoin de son gestionnaire privé d’augmenter sa capacité d’élimination. Là aussi, des promesses d’augmenter les compensations financières influencent la volonté des élus.

Si on veut que les choses changent réellement dans le domaine de la GMR, il faut sortir de notre carcan et prendre les mesures qui s’imposent. On l’a fait avec la consigne et la REP sur la récupération, on peut aussi le faire avec la régionalisation de l’élimination.

Partagez

Débutez votre recherche :

Abonnez vous à notre infolettre

Restez à l’affût des dernières nouvelles en gestion des matières résiduelles.