Au début de ce mois, les pluies torrentielles laissées par Debby se sont déversées sur une bonne partie de la province. Elles ont causé d’énormes dégâts, des tonnes de déchets et, ne l’oublions pas, des souffrances humaines que ceux et celles qui n’ont pas été affectés ont du mal à s’imaginer.
Si plusieurs d’entre nous ont été pris de court par cette déferlante, elle nous aura toutefois appris que nous ne sommes pas encore prêts à réagir adéquatement à de telles situations.
Si cette tempête a laissé des quantités record de pluie dans plusieurs régions du Québec, elle a également laissé des dizaines de milliers de tonnes, si ce n’est plus de cent mille tonnes de déchets provenant de résidences inondées ou des zones sinistrées.
Des Laurentides à la Mauricie, en passant par Laval, Montréal ou Lanaudière, cet ouragan, devenu restant de tempête tropicale, a frappé fort. Encore aujourd’hui, des citoyens et des municipalités sont encore en gestion de crise et ce n’est pas fini.
Une des leçons que nous devrions retenir suite à cette catastrophe est de savoir comment gérer avec diligence des tonnes de déchets, souvent contaminés, laissés en bordure de rue. Dans certains cas, un foyer touché aura généré en une journée ce qu’il produit habituellement en une année. Multipliez cela par des dizaines de milliers et vous serez à même de constater l’ampleur du ravage.
Il est certainement encore trop tôt pour tirer des conclusions définitives ou encore des bilans. Néanmoins, il serait pertinent de commencer à réfléchir à des façons de pallier ce genre de situations qui génèrent en un si court laps de temps, des dizaines – sinon des centaines – de milliers de tonnes de déchets en quelques heures et ce, en plus de notre production boulimique de matières résiduelles en temps normal. Il ne faudrait pas non plus que de tels événements se produisent simultanément ou se suivent sur une courte période. Nous pourrions avoir, dans ce cas, une catastrophe d’un autre type, créé par notre manque de planification en matière d’élimination de déchets.
Et, ce n’est pas « si » de telles situations se reproduisent, mais bien QUAND elles se produiront, Les impacts des changements climatiques sont là pour rester et nous ne connaissons même pas encore exactement l’ampleur et la nature avec lesquelles ces derniers se manifesteront dans les années à venir.
En plus des catastrophes naturelles incontrôlables, mais jusqu’à un certain point prévisible, si l’on parle de tempêtes de pluie, de neige ou de verglas, il y a aussi des situations qui peuvent amener leur lot de déchets. Pensons à des ruptures de digues, des incendies dans un centre de tri, ou encore au nettoyage d’un site illégal de dépôt de déchets de construction, notamment.
Pour planifier ou gérer de façon plus adéquate ce genre de situation, ce serait bien d’avoir un centre opérationnel régional, qui ait un œil et une emprise sur l’ensemble de la situation et surtout, qui puisse prendre des décisions. Ce quartier général devrait rassembler des responsables de la Sécurité civile, du ministère de l’Environnement ou encore des autorités du monde municipal. Il pourrait notamment être en mesure de répartir les ressources disponibles sur le terrain, particulièrement à ce qui a trait au transport et à l’enlèvement des déchets contaminés par l’eau ou les refoulements d’égouts. Ces opérations devraient être faites avec célérité afin de réduire les risques à la santé publique et amoindrir les impacts psychologiques de ceux et celles qui voient une partie de leur patrimoine familial amoncelé devant chez eux, irrécupérable.
Actuellement, nous avons trop souvent l’impression que des municipalités sont parfois laissées à elles-mêmes. À gérer des catastrophes pour lesquelles elles ne sont pas préparées et pour lesquelles elles ne sont peut-être pas outillées, logistiquement ou financièrement.
Nous devrions également prévoir des capacités résiduelles d’enfouissement dédiées exclusivement à ce genre de situation. Ces capacités devraient être disponibles en cas de besoins précis et ne pas venir cannibaliser les capacités d’élimination annuelles autorisées dans les différents lieux d’enfouissement technique (LET) de la province.
Idéalement, ces capacités résiduelles dédiées à des situations de crise ne devraient être utilisées qu’en cas d’urgence, uniquement. Ces aménagements ne devront pas être utilisés pour les matières résiduelles ramassées dans le cadre de collectes régulières. Un ordre de grandeur pour ces cellules dédiées à ce genre de situation pourrait être de 5 % des capacités annuelles autorisées du site visé, par exemple.
Un autre aspect est la proximité des lieux d’élimination desservant les régions où se sont produites les catastrophes naturelles. Idéalement, ces lieux devraient être plus nombreux et plus rapprochés afin d’éviter les engorgements ou des surcapacités dans les sites actuels. Cela permettrait aussi d’éviter de transporter des débris sur de trop longues distances, un enjeu à considérer dans une telle situation.
Cela impliquerait nécessairement une décentralisation de l’enfouissement au Québec ou, autrement présenté, une régionalisation de l’élimination. Chaque région administrative devrait avoir des capacités d’élimination autorisées en fonction de ses besoins et en tenant compte des objectifs gouvernementaux de réduction. Évidemment, ce ne sera pas à être tranché au couteau, mais l’idée est que les régions qui ne sont pas encore desservies par des infrastructures d’enfouissement le soient au jour. Il serait alors question d’une véritable régionalisation plutôt qu’une planification régionale comme ce l’est actuellement. Planification régionale qui n’en a que le nom en ce qui concerne l’élimination, car chaque MRC hébergeant un gros lieu d’enfouissement de gestion privée a signé des ententes monétaires afin de limiter ou pour tout simplement ne pas appliquer son droit de regard sur les quantités de déchets éliminés sur son territoire, ce qui est pourtant permis par la loi.
Cette gestion de l’élimination plus régionale aurait pour but une meilleure planification à long terme des activités d’enfouissement, une réelle équité interrégionale ainsi qu’une plus grande responsabilisation des générateurs de déchets sur le territoire visé.
Cela permettrait d’avoir une intégration plus complète des mesures en gestion des déchets, allant des activités favorisant le réemploi, le compostage ou encore la réduction de l’élimination en tant que telle. Ainsi, chaque action menée sur un territoire donné aurait directement une incidence sur la durée de vie de lieux d’enfouissement et permettrait par le fait même, une meilleure planification de cette activité, ce qui n’est pas le cas actuellement.
Un dernier point serait peut-être d’inclure une section dans les plans de gestion des matières résiduelles des MRC visant à décrire les actions prévues en cas de catastrophe ou d’événement incontrôlable générant une quantité de déchets beaucoup plus grande que normale.
Debby nous a donné un avant-goût de ce que pourrait être la gestion de nos déchets dans cette ère de changements climatiques. À défaut de pouvoir renverser ce phénomène à court terme, il nous appartient de nous préparer afin de devenir une société plus résiliente, en incluant ce qui a trait à la gestion de nos déchets.
Après, qui sait, peut-être faudrait-il se pencher sur l’aménagement même de nos habitations ainsi que sur les matériaux utilisés pour les construire ?
Éditorial paru dans l’infolettre d’août 2024