L’ABC de la GED des CRD

Si vous avez passé l’épreuve du titre de cet éditorial, peut-être que ce dernier pourrait vous intéresser. C’est qu’on parle beaucoup des résidus du secteur de la construction, rénovation et démolition (CRD) ces jours-ci. En fait, d’autant que je m’en souvienne, on parle beaucoup de résidus des CRD depuis qu’on s’occupe sérieusement des matières résiduelles. Et c’est justement ça le problème, j’ai l’impression qu’on en parle beaucoup depuis longtemps, mais que rien ne bouge réellement. Et, avec le boom de la construction que nous connaissons actuellement et qui risque de durer, ce serait peut-être le temps, maintenant, de prendre le taureau par les cornes.

Le milieu concerné connaît bien le problème… et les solutions possibles aussi. Depuis seulement quelques mois, les défis de ce secteur ont été exposés dans le rapport du BAPE sur L’état des lieux et la gestion des résidus ultimes, dans la Feuille de route gouvernementale en économie circulaire ou encore tout récemment dans le rapport du comité d’experts sur les Actions prioritaires 2024-26 du secteur CRD de RECYC-QUÉBEC.

Il me semble que, de façon cyclique, le problème de gestion des CRD revient à l’avant-plan des priorités. Je ne dis pas que ce n’est pas nécessaire d’en parler, surtout avec ce que nous révélait La Presse dernièrement quant à la performance de ce secteur, mais il est essentiel que les actes suivent les paroles si l’on veut que ça change.

OK, mettre des actions en branle, mais on commence par quoi ?

Tout d’abord, il faut prendre un pas de recul et regarder ce qui a déjà été fait sur le sujet (répertoire des infrastructures, caractérisations, débouchés existants, parties prenantes impliquées, contextes légaux, écofiscalité, etc.). Bref, il faut décortiquer toute la chaîne de mise en valeur des CRD, de leur conception, jusqu’à la fin de leur vie utile. Au besoin, remettre des données à jours ou les valider. Ça ressemble un peu à ce qui se fait dans la filière des matières recyclables de la collecte sélective municipale.

Beaucoup de similitudes en effet. Pour qu’une chaîne de mise en valeur fonctionne rondement, ça prend quelques conditions gagnantes, notamment :

La qualité des matières récupérées

Idéalement, il faut se rapprocher le plus possible d’un tri à la source, in situ. Il faut, autant que faire se peut, éviter l’intercontamination des matières récupérées afin d’en faciliter leur tri.

Développer un réseau de centres de tri / conditionnement

Une fois une matière récupérée, elle devrait être obligatoirement acheminée à un centre de tri pour le CRD sous peine de pénalités financières pour le gestionnaire de chantier. Idéalement, les centres de tri devraient être en nombre suffisant pour absorber le flux de matières générées annuellement et à des distances raisonnables des lieux de génération. Il faut viser le développement de circuits courts.

À l’instar des centres de tri pour les matières recyclables de la collecte sélective, le secteur CRD gagnerait à uniformiser certaines pratiques de tri voire même à se doter de standards minimums pour la qualité des matériaux triés.

Développer les marchés

Ça ne sert à rien de se lancer tête baissée dans des projets de déconstruction si les marchés pour les matières ainsi récupérées n’existent pas. Il faut les développer. C’est là où notamment les tenants de l’économie circulaire auraient un rôle proactif à jouer dès maintenant. Avant de penser recyclage, il faudrait penser réutilisation et développer des centres de réemploi pour les CRD qui peuvent être réintroduits dans des chantiers sans modifications majeures. Les écocentres ou les entreprises d’économie sociale pourraient contribuer à développer ces activités de réemploi.

Développer les marchés implique également des incitatifs fiscaux ou financiers. Il pourrait également y avoir des mesures visant à réduire ou à faciliter les fardeaux administratifs pour leur déploiement.

Recycleurs

Pour que l’on voie émerger une nouvelle génération de recycleurs, il faudrait être en mesure de les approvisionner avec un flux de matériaux issus des CRD de façon constante et avec un volume intéressant. L’importance d’un tri en amont prend ici toute son importance. Il va sans dire que les recycleurs de CRD doivent pouvoir compter sur des marchés actifs, capables d’absorber les quantités de CRD générées, idéalement, le plus localement possible. Naturellement, l’ensemble des opérations des recycleurs doivent être rentables.

Réglementation et écofiscalité

Ce sont là deux éléments essentiels pour faire en sorte que les CRD évitent le plus possible l’élimination. Ils sont également importants pour s’assurer du bon fonctionnement de l’ensemble de la chaîne de mise en valeur pour ces résidus. Les mesures peuvent être de différents ordres dont l’octroi plus rapide de permis visant la déconstruction d’un bâtiment, favoriser le réemploi in situ lors de rénovations majeures, pénalités financières lors de l’élimination de CRD qui n’ont pas préalablement étaient l’objet d’un tri, interdiction d’élimination de certaines matières, etc.

Également, il serait peut-être pertinent de se pencher sur la définition même de ce qu’est une matière résiduelle dans le domaine des CRD afin de favoriser leur réemploi. Idem pour ce qui est de revoir l’obligation d’octroyer des contrats aux plus bas soumissionnaires pour favoriser ceux qui intègrent des mesures visant à réemployer des CRD dans leurs ouvrages, notamment.

Exemplarité

Les gouvernements, qu’ils soient locaux, régionaux ou provinciaux devraient tous exiger des mesures favorisant le réemploi des CRD dans leurs appels d’offres ou encore s’assurer que les entreprises incluent des plans de gestion pour ces résidus dans leurs soumissions.

La gestion des résidus de CRD requerra l’implication et la participation de nombreux acteurs, qu’ils soient du domaine public, privé ou même de simples citoyens. Ils représentent un potentiel de mise en valeur énorme, mais encore très peu de mesures sont en mises en place pour le concrétiser. Les CRD représentent également une part importante des matières résiduelles éliminées dans nos LET, réduisant par le fait même leur durée de vie de façon importante.

Il y a là un important chantier à mettre en œuvre (sans jeu de mots) qui méritera certainement que l’on s’y attèle de façon prioritaire avant longtemps. 


Éditorial paru dans l’infolettre de juin 2024

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