Cachez ces autres déchets que je ne saurais voir

Depuis quelques mois, plusieurs dossiers impliquant la gestion des déchets dangereux sont mis sur la sellette. Bien sûr, il y a le site d’enfouissement de Stablex, mais également l’incinérateur de la compagnie RSI Environnement de St-Ambroise, le centre de traitement de sols contaminés de Gestion 3LB à Bécancour ou encore le site de Signaterre à Mascouche où sont notamment envoyées des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées, plus communément appelées les PFAS, en provenance de Bagotville. Le lien entre ces projets ? Bien, c’est le fait qu’on ne sait pas grand-chose sur la gestion, la production ou les impacts potentiels des déchets dangereux au Québec.

Les déchets dangereux et leur gestion sont un peu comme des lames de fond, on sait qu’ils existent, mais leur présence n’est pas visible tant que leurs impacts ne se manifestent pas à la surface. Et Dieu sait combien ces impacts peuvent être redoutables sur notre environnement et notre santé. Pourtant, on en parle peu, et ce n’est pas un sujet dont notre gouvernement veut débattre sur la place publique. Or, c’est ce que demande depuis plusieurs mois la majorité des intervenants impliqués dans ce dossier, dont le BAPE.

Dans le présent cas, je serais bien porté à dresser un tableau de ce qui est généré, de la nature des matières traitées et de quelles façons elles le sont ainsi que du mouvement transfrontalier de ces déchets, car oui, on en importe comme on en exporte, mais l’exercice serait incertain et incomplet. Même s’il existe effectivement un portrait des matières dangereuses résiduelles au Québec, dont le dernier a été publié en 2021, leur gestion semble également découler davantage des impératifs industriel et économique que de ceux social et environnemental.

Aussi, un bilan élaboré avec des données fournies par les entreprises elles-mêmes n’est peut-être pas nécessairement un outil des plus fiables qui soient. Il peut donner des indications ou des tendances générales, mais ne constitue certainement pas un outil de planification pour ce secteur.

Et c’est principalement là où le bât blesse : la gestion des déchets dangereux au Québec se fait en fonction des impératifs de l’industrie et non pas en fonction d’un quelconque encadrement public qui nous permettrait d’avoir un meilleur contrôle sur les pratiques de ce secteur ou encore une planification qui nous éviterait de prendre des décisions dans l’urgence.

L’information qui existe sur ce sujet est parcellaire et les sources incomplètes, sinon inconnues.

Pour preuve, lors de la récente commission parlementaire sur le dossier Stablex, la députée de Labelle, Mme Chantale Jeannotte m’a mentionné que le Québec exportait quatre fois plus de déchets dangereux qu’il n’en importait. Cette affirmation visait à réfuter l’argument que le Québec pourrait limiter l’importation de sols contaminés afin d’avoir un peu plus de temps pour étudier d’autres options que celle mise sur la table. Or, d’où venait cette donnée ? Le récent rapport mentionné plus haut indique (avec énormément de mises en garde) que le Québec avait importé entre 2012 et 2018, 39 000 tonnes de déchets dangereux, alors qu’il en avait exporté quelque 32 000 tonnes pendant la même période.

Les exemples sont nombreux afin d’illustrer que le Québec ne semble pas avoir pleinement le contrôle sur la gestion des déchets dangereux qui se fait au sein même de ses frontières. Tout récemment, on apprenait que le ministère de l’Environnement aurait souhaité que les sols contaminés aux PFAS de la base de Bagotville soient traités avant d’aller se faire enfouir au site de Signaterre à Mascouche, mais cela n’a pas été le cas. Il y a aussi cette toute récente déclaration faite par la ministre des Ressources naturelles qui disait vouloir s’en remettre à la compagnie Stablex pour voir si la proposition de compromis présentée par la Communauté métropolitaine de Montréal, visant la modification de son règlement de contrôle intérimaire, était acceptable.

Comme pour la gestion des matières résiduelles domestiques, il appert que ce sont les gros joueurs du secteur privé dans les déchets dangereux qui semblent dicter l’agenda aux gouvernements dans ce secteur, et cela ne date pas d’hier.

L’élimination et le traitement sécuritaires des déchets dangereux sont nécessaires, cela n’est pas remis en question. Toutefois, pourquoi avons-nous souvent l’impression d’être mis devant un fait accompli, que les consultations pour des projets dans ce domaine sont davantage cosmétiques qu’autre chose ?

Peut-être serait-il plus que temps d’avoir une réelle discussion sur les enjeux à long terme dans ce secteur d’activités, de mettre à profit cette fameuse cocréation dont nous prônons les fameuses vertus ? Peut-être serait-il effectivement le temps de mandater le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement afin qu’il tienne une telle consultation générique sur l’état des lieux et la gestion des déchets dangereux au Québec ?

On se le souhaite, mais surtout, on souhaite que, si rapport il y a, qu’il ne finisse pas sur une tablette comme cela est arrivé à un autre rapport produit suite à une récente consultation générique…


Éditorial paru dans l’infolettre de mars 2025

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