Selon RECYC-QUÉBEC, la réduction à la source désigne toute « action permettant de prévenir ou de réduire la génération de résidus lors de la conception, de la fabrication, de la distribution et de l’utilisation d’un produit ». Plus simplement, la réduction à la source peut être comprise par une formule célèbre selon laquelle le meilleur déchet est celui qu’on ne produit pas. En ce sens, il s’agit d’un concept qui invite à appréhender les problématiques posées par la gestion des matières résiduelles en amont en s’attaquant aux causes fondamentales de la production de déchets
La réduction à la source est conceptuellement distincte de la réduction à l’élimination. La réduction à la source désigne une diminution du nombre de matières résiduelles qui sont associées à la production et à la consommation de biens. La réduction à l’élimination, un des objectifs de plusieurs politiques en gestion des matières résiduelles, désigne plutôt une diminution de la quantité de matières résiduelles qui sont vouées à l’enfouissement ou à l’incinération. Cette stratégie peut passer par la réduction à la source puisque le fait de générer moins de matières résiduelles mène nécessairement à la diminution de la quantité de matières résiduelles qui seront éliminées. Néanmoins, la réduction à l’élimination peut tout aussi bien reposer sur le détournement des matières résiduelles vers d’autres procédés comme le recyclage ou la valorisation énergétique.
Pris autrement, toute réduction à la source engendre une réduction à l’élimination, mais l’inverse n’est pas nécessairement vrai. En ce sens, la réduction à la source représente un objectif plus circonscrit et plus ambitieux dans la gestion des matières résiduelles.
À l’échelle provinciale, les orientations politiques en gestion des matières résiduelles sont définies par la Politique québécoise de gestion des matières résiduelles (PQGMR) et par un plan d’action fixé pour une période donnée. Selon cette politique, la gestion des matières résiduelles au Québec devrait s’appuyer sur la hiérarchie des 3RV-E, qui priorise dans l’ordre la réduction à la source, la réutilisation, le recyclage, la valorisation et, en dernier recours, l’élimination. Ainsi, par sa position au sommet de la hiérarchie, la réduction à la source devrait être la pierre d’assise de la vaste majorité des programmes développés dans ce secteur. On réitère d’ailleurs dans la PQGMR que « […] tout plan ou programme élaboré par le ministre dans le domaine de la gestion des matières résiduelles accordera la priorité à la réduction à la source […] »1.
Le respect de la hiérarchie des 3RV-E, et donc la priorisation de la réduction à la source, est d’ailleurs énoncé dans la Loi sur la qualité de l’environnement (LQE) comme élément obligatoire tant dans l’élaboration de la PQGMR que dans celle des programmes de la société d’État RECYC-QUÉBEC.
Les orientations régionales en gestion des matières résiduelles sont définies par des Plans de gestion des matières résiduelles (PGMR). Révisés tous les sept ans, ces PGMR doivent proposer des orientations et des objectifs qui sont compatibles avec les politiques du gouvernement provincial.2 Comme ces politiques doivent, en vertu de la Loi sur la qualité de l’environnement, prioriser la réduction à la source, il résulte que les PGMR qui en découlent doivent également refléter une adhésion à la hiérarchie des 3RV-E.
La société québécoise éliminait 716 kg de matières résiduelles par habitant en 2021.3 Dans un contexte où cette quantité est supérieure à la moyenne nationale de 694 kg par habitant en 20184 et où le Canada est l’un des plus grand générateur de matières résiduelles sur une base par capita, ce bilan laisse entrevoir une multitudes de manières de réduire la production de déchets à la source.
Les déchets ménagers sont généralement les premiers à venir en tête lorsqu’on évoque la production de matières résiduelles. La collecte municipale est d’ailleurs la deuxième catégorie produisant le plus des matières éliminées au Québec selon le bilan de RECYC-QUÉBEC de 2021, la première place revenant au secteur des industries, commerces et institutions (ICI).3 (Consulter notre résumé du dernier bilan de RECYC-QUÉBEC) Ainsi, bien que les ménages ne soient pas responsables de la majorité de la production de déchets, ils demeurent un secteur important à mobiliser dans l’atteinte d’objectifs de réduction à la source.
L’enjeu de la production de gestion des matières résiduelles des ménages est double puisqu’il résulte à la fois des choix de consommation effectués par les ménages, mais aussi des pratiques mobilisées par les producteurs au niveau de la conception des produits et des emballages.
D’une part, les consommateurs sont souvent tenus responsables de la génération de matières résiduelles et, par conséquent, du succès ou de l’échec de l’atteinte des cibles de réduction à la source. Des habitudes telles que l’achat de produits à usage unique, sur-emballés ou peu durables de même que le renouvellement rapide de biens qui remplissent encore leur fonction peuvent augmenter la quantité de déchets. Par conséquent, il est logique que les consommateurs soient encouragés à adopter des comportements de consommation plus responsables.
D’autre part, il est essentiel de reconnaître que les consommateurs agissent dans un environnement façonné par les producteurs. Les choix de produits disponibles sur le marché sont largement déterminés par les décisions de conception, de production et d’emballage des producteurs. Ces facteurs déterminent la recyclabilité, la durabilité et la quantité de matières résiduelles que génèrent les produits. On note également que des pratiques comme la publicité ou l’obsolescence programmée influencent indirectement les habitudes des consommateurs sans que ces derniers aient un contrôle sur ces éléments. Les producteurs ont donc une part significative de responsabilité dans la quantité de matières résiduelles générées par les ménages et pris en charge par la collecte municipale.
Les industries, commerces et institutions (ICI) représentent une part importante de la quantité de matières résiduelles générées au Québec. En fait, un bilan de RECYC-Québec indique qu’il s’agissait de la catégorie responsable de la plus grande quantité de matières éliminées en 2021.3 La génération de matières résiduelles des ICI peut notamment provenir des processus industriels dans le cas des industries, des surplus et des emballages dans le cas des commerces ou de tout autre activité liée au fonctionnement organisationnel (p. ex. cafétéria, événements, utilisation de produits emballés ou jetables).
Toutefois, il est difficile d’estimer avec précision la quantité de matières résiduelles générée par les ICI. Une approximation peut être obtenue en effectuant le calcul suivant à partir des données de bilan de RECYC-QUÉBEC :
Matières éliminées +Matières reçues par les installations de récupération des textiles + Matières organiques putrescibles générées + Matières recyclables récupérées ≈ Matières résiduelles généées par le secteur ICI.
En effectuant cet exercice pour le bilan de 2021, on attribuerait environ 49% de la génération de matières résiduelles de la province à ce secteur pour cette année. Néanmoins, il est important de souligner que cet estimé demeure grossier et qu’il exclut certaines données, comme la quantité de matières résiduelles qui sont exportées directement par des ICI sans faire appel à un courtier en sol québécois.
De plus, seuls les ICI assimilables à des résidences privées sont desservis par la collecte municipale. Cela fait en sorte que les principaux acteurs de cette catégorie doivent gérer leurs matières résiduelles de manière privée. Cette situation contribue à la difficulté de brosser un état des lieux puisqu’il est impossible de distinguer la génération de matières résiduelles de secteurs précis au sein de la catégorie vaste et diversifiée que constituent les ICI.
Une amélioration de la performance des ICI quant à la réduction à la source serait favorisée d’abord par une meilleure traçabilité des matières résiduelles de cette catégorie, ce qui permettrait de développer des instruments plus ciblés et adaptés aux réalités dans lesquelles ils sont déployés. Au-delà de cet élément, la réduction à la source peut s’articuler dans l’ensemble des activités susceptibles de générer des matières résiduelles. Elle peut, par exemple, dans le secteur industriel, passer par une révision des étapes de production des biens en vue de diminuer la quantité de déchet générés en amont de la production. Elle peut aussi se faire en modifiant les pratiques adoptés dans le cadre du fonctionnement des institutions. Dans l’ensemble, les mesures à déployer doivent faire l’objet d’une réflexion globale à l’échelle du générateur tout en étant adaptée au contexte particulier de chaque organisation.
Le programme ICI on recycle + est une initiative de RECYC-QUÉBEC qui vise à accompagner et à mettre en valeur les ICI souhaitant mettre en place des mesures pour améliorer la gestion de leurs matières résiduelles. Le programme est mis en place via un système d’attestations pour lesquelles les organisations peuvent postuler volontairement. Les attestations se déclinent en quatre paliers qui sont différenciés en fonction de l’atteinte de cibles de performance dans la récupération et la valorisation de plusieurs types de matières.
Le secteur de la construction, rénovation et démolition (CRD) est l’un des moins performants au Québec en termes de respect de la hiérarchie des 3RV-E selon RECYC-QUÉBEC.3 Il s’agit du troisième secteur envoyant le plus de matières résiduelles à l’élimination, tout juste après les industries, commerces et institutions (ICI) et les déchets d’origine municipale. On note également que l’élimination de résidus de CRD a augmenté de façon importante au cours des dernières années. En fait, entre de 2018 et 2021, on note un accroissement de près de 21% de la quantité de résidus de CRD qui a été envoyée à l’élimination.
De manière similaire aux ICI, la récupération des résidus de CRD est organisée de manière privée. C’est donc principalement en faisant affaire avec des services de collecte par conteneurs que les chantiers de CRD disposent des résidus générés lors des travaux. Une part de ces conteneurs sont acheminés à des centres de tri de CRD qui distribuent les résidus collectés à des fins de valorisation, de valorisation énergétique, d’exportation ou d’élimination.
Comme le secteur des CRD émet une grande quantité de matières résiduelles chaque année et que la performance est très faible au niveau du réemploi, du recyclage et de la valorisation de ces matières, le secteur apparaît prioritaire en ce qui a trait à la réduction à la source. La promotion de la réduction dans ce secteur est toutefois complexe puisque la gestion de la majorité des chantiers est faite de manière privée.
Des études centrées sur les approches volontaires ont montré qu’une forme d’écoconception pouvait être mise de l’avant sur les chantiers en attaquant le problème de la génération de matières résiduelles en amont. Par exemple, Osmani et al. (2008) ont relevé que les architectes sont généralement peu outillés, sensibilisés et responsabilisés par rapport à la production de matières résiduelles sur les chaniters de CRD.5 Le même article relevait pourtant qu’une part importante de ces mêmes matières résiduelles relevait de mauvaises pratiques de conception. Il semble donc nécessaire d’entrevoir la problématique de la réduction à la source en amont des chantiers de CRD et non pas uniquement sur les chantiers eux-mêmes ou en aval.
La déconstruction, une pratique émergente dans le domaine des CRD, représente également un moyen de promouvoir la réduction à la source. La déconstruction désigne un processus de démantèlement d’un bâtiment qui, contrairement à la démolition, vise à préserver et à réutiliser au maximum les matériaux mobilisés au sein de la structure déconstruite. Cette pratique, en promouvant le réemploi de matériaux existants, contribue à la réduction à la source en évitant d’extraire des ressources vierges. On note également que, comme la plupart des pratiques de réduction à la source, la déconstruction, comme stratégie de préservation des ressources, est particulièrement efficace lorsqu’elle est mobilisée préalablement à son application. Concrètement, cela veut dire qu’il est plus facile d’effectuer une déconstruction, si un immeuble a initialement été conçu pour être facilement déconstructible que s’il ne l’a pas été.
1. Politique québécoise de gestion des matières résiduelles. https://www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/document/rc/Q-2,%20r.%2035.1
2. Loi sur la qualité de l’environnement, art. 53.9. https://www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/document/lc/Q-2/
3. RECYC-QUÉBEC. (2021). Bilan 2021 de la gestion des matières résiduelles au Québec. https://www.recyc-quebec.gouv.qc.ca/sites/default/files/documents/bilan-gmr-2021-complet.pdf
4. Gouvernement du Canada. (2024). Solid waste diversion and disposal. https://www.canada.ca/en/environment-climate-change/services/environmental-indicators/solid-waste-diversion-disposal.html
5. Osmani et al. (2008). Architects’ perspectives on construction waste reduction by design. Waste Management 28(7). https://doi.org/10.1016/j.wasman.2007.05.011
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