Mouvement zéro déchet

Le mouvement zéro déchet a pour objectif ultime de minimiser la quantité de matière envoyée à l’élimination. Bien qu’il considère le recyclage comme l’un de ses principes, le mouvement zéro déchet s’appuie davantage sur des actions de consommation responsable : refus, réduction, réparation, réemploi, achats durables, achats en vrac, etc.

Le mouvement zéro déchet peut donc être activement intégré à la vie des individus, contrairement aux efforts de recyclage qui nécessitent, la plupart du temps, des installations industrielles. Pour beaucoup de citoyens et d’organisations qui souhaitent suivre le mouvement zéro déchet, une réflexion sur les notions de consommation, de besoins, de partage et de simplicité est à la base d’un virage durable et évolutif vers le zéro déchet.

1. Initiatives au Canada

Au-delà d’un rythme de vie individuel, le zéro déchet peut être appliqué à des événements, des organisations et des gouvernements. Au Canada, des initiatives diversifiées sont assimilables à une tendance vers le zéro déchet.

Le gouvernement canadien a élaboré le Programme zéro déchet de plastique du Canada entre 2018 et 2020. Initiée sous l’impulsion d’accords internationaux visant à lutter contre la pollution plastique dans les océans, ce programme prévoit un ensemble de mesures visant à valoriser le plastique et à éviter son rejet dans l’environnement dans une perspective d’économie circulaire.

Pour ce faire, un plan d’action en deux phases a été mis en place. La première phase du plan d’action identifie des actions pour améliorer la circularité des plastiques dans l’économie et tente d’identifier des avenues structurelles visant à réduire les déchets plastiques générés. Concrètement, cette phase s’articule notamment autour d’un élargissement et d’une uniformisation des programmes de responsabilité élargie des producteurs (REP), du développement de normes entourant la réutilisation et le recyclage des plastiques, de l’investissement dans les infrastructures de recyclage et de reconditionnement.

La deuxième phase du plan d’action décrit des actions pour réduire la pollution plastique, sensibiliser, renforcer la science et prendre des mesures à l’échelle mondiale. Cela s’articule entre autres par la mise en place de pratiques de gestion du plastique dans les activités aquatiques et plus précisément la pêche et l’aquaculture, par des opérations de collecte et de nettoyage et par des initiatives de recherche.

Au niveau canadien, l’organisme non gouvernemental Zero Waste Canada milite auprès des instances gouvernementales en faveur de l’adoption de politiques appuyant le zéro déchet. En plus, l’organisation offre un ensemble de certifications zéro déchet adaptées aux bâtiments, aux événements et aux chantiers de construction. À cela s’ajoute l’offre de plusieurs formations.

Le Plan directeur de gestion des matières résiduelles (PDGMR) 2020-2025 de la Ville de Montréal place le zéro déchet au centre de ses orientations. En effet, le Plan est structuré vers l’atteinte d’un objectif zéro déchet, défini comme « un changement de culture permettant d’éliminer toutes les matières résiduelles qui sont actuellement destinées à l’enfouissement ». Cet objectif général est notamment soutenu par des initiatives de réduction à la source, de valorisation des matières organiques, de récupération des résidus de construction, rénovation et démolition (CRD).

De plus, au-delà de cet objectif central, les démarches individuelles vers le zéro déchet sont également supportées par le Plan. Ce dernier prévoit une contribution financière pour les programmes d’arrondissement ou d’organismes communautaires appuyant l’adoption d’un style de vie zéro déchet.

On retrouve également plusieurs organismes au Québec oeuvrant de diverses manières afin de soutenir la transition vers une société zéro déchet. Parmi ceux-ci, on recense, entre autres :

• L’Association québécoise zéro déchet
• Zéro déchet Québec et la Semaine québécoise de réduction des déchets
• Incita, coop-conseil zéro déchet
• La vague, un organisme qui offre des alternatives aux produits à usage unique dans le milieu de la restauration

2. Initiatives à-travers le monde

L’organisme Zero Waste Europe, qui coordonne un programme pour les villes zéro déchet et offre une certification zéro déchet, a recensé et mis en lumière plusieurs initiatives novatrices de villes engagées dans des démarches zéro déchet en Europe.

En 2022, la ville de Tübingen, en Allemagne, a déployé une nouvelle taxe sur les emballages et sur les ustensiles à usage unique. La taxe est fixée à un montant de 0,5 euro par article à usage unique vendu dans un contexte de restauration jusqu’à hauteur totale de 1,5 euro pour une transaction. La mise en place de la mesure a été accompagnée d’une subvention supportant les commerces désireux d’investir dans de nouveaux équipements permettant une transition vers le zéro déchet. Des observateurs ont également noté la contribution de l’initiative à la lutte contre l’abandon de détritus dans les espaces publics qui représentait jusqu’alors une problématique.1

En 2022, la ville de Genève, en Suisse, a adopté une loi menant à terme à un bannissement du plastique à usage unique. Afin de supporter les citoyens et les commerces dans cette transition, la ville a mis de l’avant des initiatives visant à favoriser la réutilisation chez les restaurateurs. Déclinée en deux volets, ces mesures prévoient, d’une part, une obligation pour les restaurateurs d’accepter de servir la nourriture dans contenant réutilisable fourni par le consommateur. D’autre part, un système unifié de vaisselle pour emporter consignée a été développé. Au sein de ce système, un consommateur qui a fait l’usage d’un des contenants consignés peut le rapporter dans tout établissement participant afin de récupérer le montant perçu lors de l’achat initial. Une carte interactive en ligne permet d’accéder à l’ensemble des restaurants participants et des points de dépôt.1

En prévision de la tenue des Jeux olympiques à Paris en 2024, la ville s’est dotée de plusieurs mesures visant à faciliter la réutilisation et, surtout, à limiter l’usage du plastique à usage unique. Toutefois, en plus de ces démarches, une caractéristique qui distingue l’initiative parisienne est la mise sur pied de plusieurs mécanismes visant à faciliter l’adhésion des citoyens et des institutions aux programmes. Parmi les outils développés, on retrouve :

  • un calculateur du coût pour passer au réutilisable pour les restaurateurs;
  • un catalogue des entreprises offrant des options réutilisables;
  • un catalogue des meilleures pratiques mises en place dans la région parisienne;
  • un guide pour la mise sur pied d’événements zéro déchet;
  • la création d’un logo universel pour les emballages recyclables mis à la disposition de tous les commerçants répondant aux critères du programme.1


D’autres initiatives ont également vu le jour aux États-Unis et sur la scène internationale.

Plusieurs initiatives zéro déchet ont également vu le jour aux États-Unis, qu’il soit question des états ou de certaines villes. Une dizaine d’états (Californie, Connecticut, Delaware, Hawaii, Maine, New Jersey, New York, Oregon, Vermont, Washington) ont mis sur pied des politiques de bannissement des sacs de plastique à usage unique. Au niveau des villes, plusieurs d’entre elles, en partie en raison de la pression exercée par un manque à combler en élimination, se sont tournées vers diverses mesures permettant de tendre vers le zéro déchet. C’est notamment le cas de Los Angeles, de San Francisco et de Austin. Malgré des différences entre les objectifs précis et les échéanciers prévus par chacun de ces centres, on note une volonté commune d’affecter les flux de matières résiduelles afin d’engendrer une réduction à l’élimination. Selon le cas, cela peut passer par l’élargissement de programmes de responsabilité élargie des producteurs (REP) ou par la mise en place de lois encadrant le recyclage, le compostage, l’usage unique ou encore le secteur de la construction, rénovation et démolition (CRD).2

L’Alliance internationale zéro déchet est une organisation non gouvernementale internationale qui effectue de la recherche sur le zéro déchet, qui développe des outils afin d’implémenter des solutions zéro déchet et qui crée des outils d’évaluation des initiatives existantes. L’organisme regroupe de nombreux experts dans le domaine et agit comme centre d’expertise affilié de plusieurs branches implantées à l’échelle nationale.

3. Mode de vie zéro déchet

Au-delà des initiatives structurées, le mouvement zéro déchet s’articule surtout à l’échelle individuelle sous l’impulsion de personnes cherchant à modifier leurs habitudes de vie. Une telle démarche vise à engendrer un changement à plus grande échelle via une adhésion de plus en plus large à ce mode de vie, le tout étant vaguement coordonné au sein de réseaux diffus.3 Spiteri (2020), relève une série de constats de son analyse de communautés zéro déchet en ligne :

De façon générale, les individus impliqués dans les communautés étudiées émettent des préoccupations environnementales face aux impacts de leur consommation. On retrouve à ce niveau des enjeux en lien avec les emballages, avec le plastique jetable ou encore avec la génération de déchets. On note également qu’au-delà de ces enjeux plus typiquement associés à la gestion des matières résiduelles, les membres des communautés zéro déchet tendent à exprimer des préoccupations plus générales assimilables à de l’écoanxiété. Ils s’intéressent également à des enjeux environnementaux associés au mode de vie ayant un lien moins directement perceptible avec la consommation de biens comme le fait de prendre l’avion, par exemple.3

Les tenants du mode de vie zéro déchet mettent de l’avant diverses pratiques qu’ils jugent à même d’induire des modes de consommation plus responsables. Dans l’ensemble, ces modes d’action tendent à favoriser des produits dont la production minimise les coûts écologiques, des objets ayant une longue durée de vie et des gestes qui réduisent à la source la production de déchets.

Les biens dont la production est moins néfaste peuvent être des produits locaux qui demandent moins de transport, des objets fabriqués à la maison pour lesquels on est plus à même de contrôler la provenance des composantes ou encore des biens vendus en vrac qui ont pour avantage de limiter la quantité d’emballages associée au geste de consommation.

Pour ce qui est des biens de longue durée de vie, on évoque des biens de bonne qualité conçus pour être durables ou encore des objets dont la conception a été orientée par une réparation facile en cas de bris. Bref, il est question de favoriser l’écoconception.

Finalement, les pratiques de réduction à la source appliquées à une échelle individuelle qui peuvent être associées au mode de vie zéro déchet incluent l’adhésion à des principes de simplicité volontaire ou de minimalisme, la lutte au gaspillage alimentaire ou encore le fait de favoriser l’achat de biens usagés ou l’utilisation de plateformes de partage.3

Les membres des groupes zéro déchet analysés par Spiteri relèvent plusieurs défis et difficultés auxquels ils font face dans la mise en place de leur démarche. D’une part, plusieurs évoquent un ensemble d’enjeux sociaux, ces derniers pouvant prendre des formes diverses. Les expériences décrites pouvaient être associées à des réalités sociales assez diffuses comme les attentes sociales entourant l’utilisation par défaut d’options à usage unique ou encore des résistances rencontrées face à l’utilisation de contenants réutilisables. Cependant, les réalités vécues par les membres pouvaient aussi se présenter dans la sphère personnelle. Il y est notamment question de la difficulté à mobiliser des proches à supporter une démarche zéro déchet ou encore de se heurter à un certain isolement dans l’adoption des pratiques. Ce dernier point est d’ailleurs évoqué parmi les motivations ayant poussé certaines personnes à rejoindre des communautés en ligne.

Un second type de difficultés mis en lumière est plutôt lié à la mise en place de pratiques zéro déchet. Les éléments relevés par Spiteri à ce niveau concernent d’abord l’écoblanchiment. En effet, bien que cette pratique ne soit pas exclusivement propre à l’univers du zéro déchet, ce mode de vie y est sujet dans la mesure où il est possible pour une entreprise d’évoquer le zéro déchet par l’utilisation d’un emballage minimaliste ou encore en mettant de l’avant des termes faisant vaguement allusion à des mérites environnementaux (p. ex. biodégradable, écoresponsable, naturel, sans plastique, recyclable, etc.). Un enjeu connexe, mais émanant davantage de l’environnement social immédiat est la persistance de conceptions erronées entourant le rôle du recyclage. Plusieurs membres ont décrit la ténacité de certaines perceptions voulant que le fait de recycler un bien à usage unique représente une avenue fructueuse vers le zéro déchet. C’est alors un travail de recadrage de la consommation orienté par l’aspect hiérarchique des 5R qui est mis en place.3

Malgré la popularité croissante du mouvement zéro déchet, certaines critiques ont été émises à l’égard de cette tendance. Bien qu’il soit possible de recenser des cas de critique du zéro déchet pris comme manière d’envisager la gestion des matières résiduelles à l’échelle institutionnelle et sociétale, la majorité de l’attention semble avoir été dirigée vers la déclinaison du terme comme mode vie adopté de manière individuelle.

Pour Muller & Schönbauer (2020), les caractéristiques sociodémographiques relativement homogènes des personnes qui se consacrent au zéro déchet sont signe d’une possible faille du mouvement en termes d’équité.4 On note que l’individu type étant investi dans une démarche personnelle de zéro déchet est une femme blanche de classe moyenne provenant d’un pays occidental.4 5 Ce constat semble d’ailleurs être reconnu au sein des communautés zéro déchet elles-mêmes.3 Selon Muller & Schönbauer, cette caractérisation combinée aux pratiques mises de l’avant par le mouvement brosse le portrait d’une vision du monde reposant sur la prémisse voulant que les populations occidentales vivent dans l’excès.4 Conséquemment, une restriction volontaire de la consommation dans le cadre d’une démarche zéro déchet apparaîtrait comme un moyen de se libérer financièrement en allouant à une meilleure qualité de vie les ressources monétaires qui sont réservées à une consommation inutile. Or, pour les auteures, les ressources monétaires et temporelles nécessaires pour effectuer un changement de vie comme celui décrit dans le contexte du mouvement zéro déchet sont distribuées de façon inégale au sein de la société. On réfère ici notamment au temps et à l’argent nécessaire pour localiser et s’habituer à de nouveaux commerces, à la charge mentale associée à la modification des habitudes de vie ou encore à l’absence fréquente de commerces zéro déchet à proximité des communautés défavorisées ou rurales. Plus fondamentalement, les auteures notent qu’il est difficile de s’intéresser aux enjeux environnementaux lorsque des dangers ou des facteurs de précarité plus immédiats affectent un individu.4

Kalina (2020)interroge la légitimité de demander aux moins nantis d’adopter des modes de vies écoresponsables alors que leur contribution aux crises actuelles est, dans bien des cas, moindre que celle des populations riches.6 Il met également en lumière le fait que, dans ce contexte, il est également difficile de reprocher aux plus démunis d’aspirer au confort matériel qui caractérise la situation de ceux qui militent aujourd’hui pour une réduction de la consommation individuelle.6

Kalina (2020) se penche sur la nature individualiste du mouvement zéro déchet. Pour l’auteur, le mouvement a tendance à réduire l’action environnementale à un enjeu de consommation qui peut être abordé en aval par l’acte de consommation lui-même. Cela revient à faire de l’achat de biens et services à la fois le mal et le remède. Or, pour Kalina, cette focalisation sur la modification des habitudes de consommations, en plus d’amener une distribution inégale des moyens d’action, conduit à occulter les facteurs structurels issus du mode de production. Plus précisément, l’idée d’une consommation responsable revient à laisser le marché réagir aux préférences des individus sans pour autant remettre en question le marché capitaliste comme outil de régulation environnemental des sociétés. Qui plus est, une attention trop importante aux changements de modes de vie peut se faire au détriment d’actions collectives plus à même d’engendrer un changement systémique.6

4. Notes et références

1. McQuibban, J. (2022). The State of Zero Waste Municipalities Report. Zero Waste Europe. https://zerowastecities.eu/wp-content/uploads/2023/02/State-of-Zero-Waste-Municipalities-Report-2022-EN.pdf

2. Zero-Waste Policy and Legislation. Zero Waste. https://www.zerowaste.com/blog/zero-waste-policy-and-legislation/

3. Spiteri, L. (2021). Zero-Waste Instagram Communities: A Thematic Analysis of ZW Activities through the Lens of the Lifestyle Movement Framework. Canadian Journal of Information and Library Science, 43(3), 245–268.

4. Müller, R., & Schönbauer, S. M. (2020). Zero Waste––Zero Justice? Engaging Science, Technology, and Society, 6, 416–420. https://doi.org/10.17351/ests2020.649

5. Seres Huszárik, E., Korcsmáros, E., & Csinger, B. (2022). The Openness of Slovakian Households for the “Zero-Waste” Movement. Acta Polytechnica Hungarica, 19(8), 69–89. https://doi.org/10.12700/APH.19.8.2022.8.5

6. Kalina, M. (2020). Treating the symptom: A marxist reflection on “zero waste” and Saradinia 2019. 09, 4–10. https://doi.org/10.31025/2611-4135/2020.13918

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