Si vis pacem para pacem

Quel est le lien entre Donald Trump et nos déchets ? Je vois déjà quelques esprits facétieux qui sont prêts à dire qu’il n’y a pas de différences entre les deux… Attention ! c’est manquer de respect à nos poubelles que de dire de telles choses ! Car, oui, oui, l’arrivée au pouvoir du nouveau président américain peut effectivement nous faire avancer dans la bonne direction dans la gestion de nos matières résiduelles ! Comment ? Ben là, il faut lire la suite pour le savoir…

Avec ses menaces tarifaires et ses visées hégémoniques, le président Trump fait réagir bon nombre d’États, dont le Canada, qui cherche déjà à mettre de l’avant des mesures de représailles. Oeil pour œil, dent pour dent. Mais, je vous le dis, ce n’est peut-être pas la chose à faire. Souvenez-vous dans la cour d’école quand il y avait un bully qui vous intimidait, le seul fait de lui répondre lui faisait sentir encore plus légitimé de poursuivre ses agissements belliqueux. Avec Trump, c’est la même chose. Le monde est sa cour d’école et c’est lui le boss.

Aucune empathie, aucune rationalité, seule la raison du plus fort est la meilleure. Mais le plus fort n’est pas toujours celui qui crie le plus fort.

Dès son arrivée au pouvoir et l’annonce de ses menaces, nous avons entendu toute sorte de scénarios en guise de réponse. L’une d’entre elles, séduisante à bien des égards et tout à fait justifiable et louable, a été de demander au gouvernement d’interdire l’élimination des déchets dangereux étrangers en sol canadien. Vous avez en moi un des plus grands défenseurs d’une telle mesure en temps normal. Sauf que maintenant, les temps ne sont pas normaux.

Souvenez-vous de la cour d’école : tu me fais ça alors je vais te faire ça et on se retrouve à être partie prenante d’une escalade de gestes qui peut bien se terminer pour nous par un œil au beurre noir et une belle humiliation !

Avez-vous aussi remarqué que ceux et celles qui s’en tiraient le mieux étaient ceux qui ne s’impliquaient que rarement dans de telles échauffourées ? Pas par indifférence ou par lâcheté, mais bien par stratégie ou encore par calcul. Si vis pacem para pacem comme on dit vulgairement.

C’est ce qu’on devrait faire avec notre voisin du Sud, à moins qu’il y ait une menace directe à notre sécurité, notre économie ou notre autonomie : il faudrait l’ignorait, il faudrait s’en affranchir.

La gestion de nos matières résiduelles est un magnifique terrain pour appliquer cette stratégie.

Il y a une quinzaine d’années, lors de ce qu’on appelle la première crise du recyclage au Québec, j’avais suggéré à la ministre de l’Environnement de l’époque, Mme Line Beauchamp, certaines pistes afin de rendre le Québec moins dépendant des marchés internationaux des matières recyclables. Le but étant de passer à travers cette crise à l’époque, mais aussi et surtout, d’éviter les suivantes.

J’écrivais alors qu’il fallait « augmenter la qualité des matières récupérées tout en développant parallèlement notre industrie du recyclage, ici, au Québec.[1] » Ça peut paraître évident et simpliste aujourd’hui, mais à l’époque, il y avait une espèce de voile opaque sur ce qui se passait une fois que le camion de recyclage passait dans nos rues.

Aujourd’hui, cet objectif est intégré dans le règlement portant sur un système de collecte sélective de certaines matières résiduelles. Et c’est une bonne chose qu’il en soit ainsi.

Pensez-y, que va-t-il arriver si effectivement nos exportations sont taxées arbitrairement de 25 % par notre voisin du Sud ? Les matières recyclables dont la fibre, l’aluminium ou le plastique récupérés risquent de trouver difficilement preneurs… ou à perte pour nous.

J’ai toujours dit que la protection de l’environnement n’était pas une business comme les autres, en fait, que ce n’était pas une business du tout. On devrait prendre les mesures nécessaires pour s’affranchir autant que faire se peut des aléas des marchés ou des sautes d’humeur d’un président caractériel.

On devrait alors considérer les matières résiduelles non pas comme des déchets, mais bien comme des ressources. C’est en fait effectivement ce qu’elles sont. Diverses mesures devraient être alors prises pour transformer ces ressources en bien de consommation. Je vous fais grâce ici du détail de ce que pourraient être ces mesures, mais mentionnons-en quelques-unes : écoconception, obligation d’un contenu recyclé, politique d’achat écoresponsable, etc. Naturellement, toute mesure visant le recyclage d’une matière ne peut se substituer à des mesures visant la réduction à la source.

Alors peut-être que oui, ce qui se passe au Sud pourrait bien être le coup de fouet dont nous avons besoin pour davantage prendre en charge localement les matières recyclables que nous récupérons. Cela pourrait aller de pair avec la modernisation de la collecte sélective.

Et pourquoi ne pas s’attaquer au chantier de l’élimination avec le même raisonnement ? On pourrait alors s’affranchir également d’une situation où 75 % de nos déchets sont enfouis dans une poignée de lieux d’enfouissement, ce qui nous empêche d’avoir l’entièreté du contrôle sur la gestion de matières résiduelles. À suivre…


Éditorial paru dans l’infolettre de janvier 2025

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