Sans ambages, on peut dire mission accomplie pour le colloque sur la réduction à la source du 25 mai. C’était un peu risqué, c’est vrai, mais la salle était pleine et les interventions – tant des conférenciers que des gens de l’auditoire – étaient des plus pertinentes et enrichissantes. Ça parlait déchets, mais dans une autre perspective.
Ce que j’ai notamment retenu de cet événement, c’est que les principales mesures pour refréner notre production de déchets passent inévitablement par un meilleur encadrement de notre production de biens de consommation et par notre consommation elle-même. L’adage « consommer moins, consommer mieux » a vraiment pris tout son sens tout au long des interventions.
La réduction à la source ne consiste pas à réduire notre production de déchets par des mesures visant leur recyclage ou leur valorisation, elle vise littéralement à éviter d’en produire; pas de les diriger vers des filières de diversion à l’élimination. Il y a effectivement plusieurs pièges dans lesquels nous pouvons tomber lorsque nous nous fixons des objectifs de réduction à l’élimination, comme c’est notamment le cas avec les objectifs gouvernementaux.
Brièvement, réduction à l’élimination ne veut pas nécessairement dire moins de déchets générés, ça veut simplement dire que nous les gérons autrement que par l’élimination. Avoir un objectif quantitatif (en poids) de réduction de nos déchets peut également avoir des effets pervers : les produits de substitution (plus légers) peuvent avoir plus d’impacts négatifs sur l’environnement et sur la santé, mais ces notions ne sont généralement pas prises en considération. Supposons que nous avons trois bouteilles de ketchup en plastique vide et seulement une faite en verre, sur papier, nous pouvons croire que nous avons réduit les emballages alors que nous avons trois fois plus de ketchup qui a été produit. Aussi, le plastique des bouteilles est autrement polluant que la bouteille de ketchup qui elle, est faite en verre.
Un peu le même principe de substitution lorsque l’on reclassifie des matières résiduelles en matériaux de recouvrement. Jusqu’à un certain point, c’est assez arbitraire. Avons-nous réellement besoin de 50% des matières résiduelles dans un LET qui sont utilisées à des fins de recouvrement ? Rappelons que, si ces matières finissent leur vie utile dans un LET, elles ne sont toutefois pas comptabilisées comme ayant été éliminées. Cette façon de faire influence ainsi énormément les données sur l’objectif gouvernemental de réduction à l’élimination qui est de 525 kg par habitant en 2023. Officiellement, nous en sommes à 716 kg. Si nous rajoutons les matières résiduelles utilisées à des fins de recouvrement, nous dépassons la barre de la tonne par personne en 2023, soit 1 034 kg par habitant.
Je sais, certains pourraient invoquer que j’utilise des raccourcis, mais c’est pour la démonstration. Une démonstration qui veut justement montrer que la réduction à l’élimination n’est pas nécessairement un bon indicateur de notre performance environnementale en matière de gestion des déchets.
Non, un meilleur indicateur serait la quantité de ressources et de matières qui entrent dans l’économie québécoise chaque année. Le Rapport sur l’indice de circularité de l’économie mentionne qu’elle était de 271 millions de tonnes en 2021, soit 32 tonnes par personne.
En fait, c’est notamment cet indicateur que nous devrions prendre pour calculer notre performance environnementale en gestion des déchets. Diminuer cette quantité serait doublement plus efficace que d’augmenter nos efforts de recyclage et de valorisation. Même qu’en diminuant cette quantité de ressources et de matières qui entrent dans notre économie, nous contribuerions directement à augmenter notre indice de circularité, et ce, même si nous n’augmentions pas notre performance en valorisation et recyclage. Plus nous réduisons nos ressources et nos matières utilisées, plus nous augmentons notre indice de circularité.
C’est la raison pour laquelle je crois que les bilans sur la gestion des matières résiduelles de RECYC-QUÉBEC devraient dorénavant comporter une section dédiée à la réduction à la source. Une notion qui devra idéalement être clairement définie au préalable.
En gestion de déchets, il n’y a pas de solution unique ou miraculeuse, il nous faut un amalgame de solutions ou de mesures concrètes. La réduction à la source doit véritablement faire partie des moyens mis de l’avant pour réduire notre empreinte écologique, préserver la capacité de support de nos écosystèmes et pour offrir une réponse concrète à la crise climatique qui nous frappe tous et toutes.